Petit complément à « La gauche vertueuse »


On ne trouvera pas dans cette page une réponse en bonne et due forme à "La réplique à Gilles McMillan" signée par Jacques Pelletier, Isabelle Bouchard et Claude Vaillancourt.

Je signale néanmoins quelques références utiles à l’élaboration d’une telle réponse et, souhaitons-le, d’un dialogue sur ces passionnantes et tout aussi pressantes questions.

Je me permets de renvoyer le lecteur motivé à mon texte qui vient tout juste de paraître dans le dernier numéro de Liberté, texte faisant partie d’un dossier très dense sur l’idéologie du progrès. J’y esquisse, si on veut, la critique que des auteurs tels George Orwell, Pier Paolo Pasolini, Christopher Lasch ont fait d’une certaine classe d’intellectuels du gauche au cours du quasi siècle dernier, gauche qui a rompu avec le projet d’une société décente, ou socialiste, pour épouser après 1968 le projet libéral d’une société fondée sur la libre-circulation de la valeur marchande, les individus étant considérés comme des monades, elles-mêmes échangeables, donc faussement libres (libres de circuler comme des marchandises tout en servant de légitimité libérale à cette libre-circulation - : "je circule, donc je suis; je suis donc le monde est libre et juste" pourrait être le mantra de l'individu libéral narcissique).

Selon une telle vision du monde, au centre de laquelle règne la fiction suicidaire d’une croissance illimitée, les identités, les traditions (populaires et savantes), les langues, les cultures, apparaissent comme des entraves. Surtout celles des Occidentaux d'ailleurs, tandis qu'à la faveur d'un sentiment de culpabilité postcolonial, véritable haine de soi, on vénère les traditions de l'autre, même quand celles-ci vont à l'encontre des mêmes idées de liberté qu'on affirme défendre. C'est ainsi qu'on en arrive à se dire "contre toutes les exclusions" et souhaiter inclure ce qui exclu ou tolérer ce qui prône l'intolérance. C'est fou comme l'idéologie est capable des plus formidables acrobaties. Le Cirque du Soleil n'en est que le pâle reflet.

Jean-Claude Michéa et d'autres

Jacques Pelletier a parfaitement raison de dire que Jean-Claude Michéa joue un rôle central dans l’opinion que je me fais du rôle de la gauche, souvent ambigu et contradictoire, dans le renouvellement constant et accéléré du capitalisme, bien que je n’aie pas la prétention d’en être le disciple. Je n’ai pas la discipline ni la rigueur intellectuelle me permettant de revendiquer une telle filiation philosophique et politique. Michéa se trouve incontestablement au cœur de mon article dans Liberté, mais je pourrais aussi y ajouter Günther Anders, Cornélius Castoriadis (Socialisme ou barbarie, La montée de l’insignifiance), Jacques Ellul (Changer de révolution, etc.), des auteurs qui m'ont beaucoup marqué au cours des dernières années et que je ne cesse de lire, de méditer.

On peut lire ici un extrait de mon article paru dans Liberté, La parole contraire.

Je pourrais ajouter à mes références le dernier ouvrage du géographe Christophe Guilluy, Le crépuscule de la France d’en haut (Flammarion, 2016), et celui du sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff, Malaise dans la démocratie (Stock, 2016). Le Goff analyse notamment ce qu’il appelle la gauche culturelle, friande de diversité au sens libéral du terme, c’est-à-dire individualiste, sans égard pour la société, les conditions anthropologiques de l’être : ce qu’il faut pour vivre humainement.

J'ajouterai l'ouvrage collectif Les racines de la liberté dont j'ai fait le compte rendu sous le titre évocateur de Pour une critique radicale du capitalisme. L'ouvrage présente une réflexion à partir de l'anarchisme tory (encore Orwell, encore Michéa!). Une version écourtée du compte rendu est parue dans revue À bâbord!

Plus près de nous, sur le rapport que la gauche entretient avec ce que Michéa appelle la défense des droits libéraux « contre toutes les discriminations », je signale ce compte rendu inédit du livre de Brewster Kneen, La tyrannie des droits (Écosociété, 2014).

La mission politique du syndicalisme

Sur la question de l’abandon de la mission politique du syndicalisme et de son attitude affairiste, y compris dans un syndicat comme la CSN qui avait développé un syndicalisme plus social (qui rêvait d'en être un de combat), on peut toujours lire les témoignages de militants dans le livre hommage à Michel Chartrand, À bas les tueurs d’oiseaux (Suzanne-G. Chartrand, Didactica, c.é.f./Éditions Trois-Pistoles.)

Sur la même question, je signale l’entrevue que j’ai réalisée il y a quelques années avec Aldo-Miguel Paolinelli, alors président de la CSN-Construction, « Retrouver la mission politique du syndicalisme », texte paru dans Les nouveaux cahiers du socialisme (2012, no.7).


L'enseignement primaire et secondaire

Pour ce qui est de la situation désastreuse qui sévit dans les écoles primaires et secondaires du Québec, dont les intellectuels, de gauche et de droite, ne semblent guère se préoccuper d’après l’auteure, Suzanne-G. Chartrand, je signale "Cinq propositions pour remettre l'éducation sur les rails".

Sur le nécessaire renouvellement de la gauche en général, on peut lire ce court article du Devoir sur des militants de Syriza et de Podemos, "La gauche doit se réinventer sans se dénaturer".

La culture au sens antropologique du terme

Sur la question culturelle, la place du religieux, sur la question identitaire et de l’accueil des immigrants, assurément le sujet le plus litigieux, le plus sensible de la période que nous traversons, je renvoie encore une fois à mon texte de Liberté.

J’ajouterais, pour ce qui touche au débat sur l’islamisme, le livre de Nadia Remadna, Comment j’ai sauvé mes enfants et le numéro hors-série du Courrier international, Libres-penseurs de l’islam (novembre-décembre 2016).

Ce qui me sidère dans ce débat, c’est à quel point la gauche fait la sourde oreille à tous ces libres-penseurs, parmi lesquels on retrouve Djamela Benhabib, Fatima Houda-Pepin, Kamel Daoud, Nadia Remadna encore, Mohamed Lofti.Je pense également à tous ces gens qui ont rédigé et signé le Manifeste pour un islam de liberté et de citoyenneté.

Manifeste auquel fait écho "Un appel pour ''vivre ensemble dans la dignité" publié aujourd'hui (samedi 4 mars 2017) dans Le Devoir.


On trouvera ici un texte très polémique sur l'attitude historique d'une certaine gauche à l'égard du despotisme, de Fabrice Nicolino, "Cette gauche qui s'est toujours couchée devant les despotes".

Sortir de la rectitude politique pour construire une société décente

J’ai la ferme conviction qu’une société accueillante se construit selon certaines conditions de justice, de respect, qui s’acquièrent notamment par l’éducation, la culture et le débat démocratique capable d'entendre les paroles contraires. Une société ouverte et accueillante ne se construit pas avec des vœux pieux, sur des anathèmes ou dans le conformisme aux doxas des différents groupes de pression.

Je crois cependant qu’il est tout à fait possible de construire ces conditions essentielles à l’épanouissement de tous, si cela se fait dans le libre-exercice de la parole.

À suivre




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