vendredi 16 octobre 2020

Pour saluer Dany Laferrière et Roger Langevin: l'académicien et le statuaire

Dans un livre que j'ai publié chez Lux éditeur en 2014, La contamination des mots, j'ai consacré un chapitre à l'écrivain Dany Laferrière et un autre à une histoire qui me tient évidemment à coeur, dans laquelle apparaît  un sculpteur nommé Roger Langelier. Or Roger Langevin de son vrai nom vient de rendre un hommage bien mérité à Dany Laferrière en réalisant une sculpture de l'académicien qu'on pourra admirer dans le jardin de la BAnQ, Bibliothèque et archives nationales du Québec. Je trouve formidable de constater que ces deux artistes se retrouvent aujourd'hui réunis dans le réel, alors que dans mon essai, aucun lien explicite ne les rapprochait. Il me semble que l'occasion est bonne d'exhumer ces deux textes, pour aucune autre raison que de me faire plaisir et de participer, pourquoi pas? à cette grand fête de la création que vient souligner une exposition sur la vie et l’œuvre de  Dany Laferrière dans le Quartier des Spectacles, à Montréal.
Eh puis il est rassurant de penser qu’en cette période de l'histoire où on déboulonne les statues à qui mieux mieux, des statues provenant d’un passé miteux et d’une histoire douteuse, des gens soucieux du mobilier édifiant et symbolique voient à combler le vide.

 

"La littérature est un jouet amusant."

Dany Laferrière


"La renommée c'est rempli d'inconvénients..."

R. Ducharme, L'hiver de force


 

 Dany Laferrière

L'énigme du retour: roman du désastre ou du recommencement?


Or le désastre n’est pas naturel. Il est humain.

Joël Des Rosiers (1) 

 

Un écrivain qui se complaît dans la séduction et le succès médiatiques court le risque de se livrer pieds et poings liés aux attentes du marché du livre, relayées et alimentées par les médias. Cette surveillance médiatique y est pour beaucoup dans ce que Dany Laferrière  appelle la « dictature du plaisir » dans une auto-entrevue qui dénote un sens aigu de la lucidité, de l’autocritique et… de l’habilité médiatique :

 

D. – […]. Des fois j’ai l’impression que tu t’es perdu à force de vouloir te faire voir. Tout cet étalage sexuel… Était-ce nécessaire ? […]

L. – Si je deviens plus sérieux, mon ami, les médias me laisseront tomber du jour au lendemain. Aujourd’hui, c’est la dictature du plaisir. Je ne peux plus faire marche arrière (2).

 

 

Cet aveu d’impuissante collaboration avec les médias, de complaisance avec  l’hédonisme ambiant est à prendre au sérieux. Surtout de la part d’un auteur dont la vie et l’œuvre sont si marquées, souvent de manière ambiguë, par la séduction médiatique et par la dictature. La quête de liberté, de non-conformisme, s’affirme pourtant comme un motif central dans son œuvre romanesque en plusieurs volumes (1985-2000), qui trouve son unité dans ce que l’auteur appelle Une autobiographie américaine. Plus près de l’autofiction que de l’autobiographie cependant, cette entreprise semble vouloir mobiliser les ressources de l’écriture littéraire pour déjouer sa biographie plutôt que l’édifier : inventer sa vie, être sinon à l’origine de soi, du moins faire un pied-de-nez à l’Histoire, aux marqueurs identitaires, aux idéologies diverses. C’est du moins ce que l’auteur revendique sur toutes les tribunes qui s’offrent à lui, dont ses livres. Dans  L’Énigme du retour (2009) il  affirme, encore sur le mode de l’aveu :  

 

La chose la plus subversive qui soit,

et je passe ma vie à le dire,

c’est de tout faire pour être heureux

à la barbe du dictateur.

Le dictateur exige d’être au centre de notre vie

et ce que j’ai fait de mieux dans la mienne,

c’est de l’avoir sorti de mon existence. 

J’avoue que pour ce faire il m’a fallu jeter

parfois le bébé avec l’eau du bain (3).

 

Aveu important en effet, car le voyage de retour au centre de ce roman vise justement à retrouver ce bébé jeté avec l’eau du bain, c’est-à-dire son élan vital, sa spontanéité. Ce grand recommencement concerne d’abord l’écriture littéraire, puisqu’au moment où le narrateur apprend la nouvelle du décès de son père, exilé comme lui et qu’il n’a pas connu, c’est un écrivain qui n’écrit plus.

 

La mort du père déclenche une rétrospection puis le voyage de retour au pays pour y ensevelir symboliquement ce dernier : redonner un père au « pays sans père », et son pays au père. L’annonce provoque aussi un retour à l’écriture, qui passe par le corps, la main, l’écriture manuscrite, par petites touches, méthode «qui n’exige pas trop d’effort physique» explique le narrateur qui peine à se sortir d’une fatigue profonde (4). La méthode justifierait par ailleurs la forme impressionniste du roman qui s’apparente par endroits au poème, voire au haïku. La disposition du texte est séduisante, aère la page, facilite la lecture en imitant la forme convenue du poème, mais apporte-t-elle un supplément de  poésie à la narration pour autant ? Qu’est-ce que la poésie? Il existe une infinité de  réponses à cette question, et la disposition sur la page y est pour bien peu de chose. Pour Jean-Pierre Issenhut, grand lecteur de poésie, le poème a quelque chose du grain sable dans la machine à penser. Il  croit par exemple que l’enracinement dans la terre pour l’écrivain est peut-être le meilleur gage d’universalité, et que c’est à cette condition que le mot  rapproche ce qui peut sembler le plus éloigné, que la poésie enraie  la pensée ordinaire, ce qu’il appelle « l’à-quoi-bon (5) ». Ici, dans le roman de Laferrière, on a plutôt l’impression d’un procédé servant à huiler la machine narrative, à faciliter les choses à l’auteur et au lecteur.

Retour à l’écriture donc par la poésie (certaines de ses conventions à tout le moins), mais retour aussi sur l’écriture : souvenir des débuts alors qu’il recherchait des rythmes sonores, percutants, rock(6). Puis c’est la montée du doute, du  grain de sable enfin: « Écrit-on hors de son pays pour se consoler ? / je doute de toute vocation d’écrivain en exil(7)». Incertitude vite surmontée toutefois, puisque l’auteur ayant perdu la notion de territoire, l’exil ne saurait être non plus définitif(8).  Cet exil dans l’Amérique est d’ailleurs préférable au repli identitaire bien sûr, surtout que la littérature offre un sauf-conduit pour revenir au pays. « Le dictateur m’avait jeté à la porte de mon pays. Pour y retourner, je suis passé par la fenêtre du roman(9). »

Une question d’une importance centrale surgit. Dany Leferrière aurait-il remplacé, au cœur de sa vie et de son œuvre, une dictature par une autre ? Le dandy littéraire se serait-il enferré dans une identité fallacieuse, médiatique, se piquant d’hétérogénéité bon ton et séduisante ? Et, surtout, se pourrait-il que ces figures apparemment si différentes de la répression (dictature politique / dictature du plaisir) révèlent quelque chose sur notre société autant que sur celle d’Haïti, qui aurait aussi jeté le bébé avec l’eau du bain? Haïti qui entretient  une relation terrible, mais non exclusive avec le désastre, puisqu’elle relève de l’histoire du colonialisme comme de la corruption qu’elle a laissée dans son sillage. Désastre dû aux fantasmes de notre époque aussi, dans sa version rock-hollywoodienne en tout cas, dont l’expression, la plus radicale et la plus facilement récupérable par l’industrie du divertissement, se trouve dans un de ses mots d’ordre repris habilement par Laferrière : «Je veux tout : les livres, le vin, les femmes, la musique, et tout de suite(10).» Belle transposition du célèbre « Jouir sans entraves » qu’on apparente à l’exigence de déréglementation absolu des sociétés afin de s’offrir  aux désirs insatiables du libre marché. Et ces fantasmes, les romans de Laferrière les ont autant exploités qu’explorés, c’est lui-même qui le dit dans l’entrevue fictive citée plus haut. Il est notable qu’il le dit parfois sur le mode de l’aveu, parfois sur le mode de la revendication fanfaronne. C’est ce qui s’appelle soigner l’ambiguïté.

Par rapport à ces fantasmes cependant, L’Énigme du retour marque une rupture de ton, ne serait-ce que par son désir de tout recommencer en s’appuyant sur ce qui peut sembler le moins glamour, sur ce pays incertain, sans père et sans chapeau.

Au terme du voyage en effet, Dany Laferrière reconnaît son héritage, aussi énigmatique soit-il: « La langue de la mère. / Le pays du père. / Le regard hébété du fils / qui découvre en un jour / un tel héritage (11). » Sur cet héritage, et pour ajouter à l’hébétude du fils, se dresse une poule noire assez comique, symbole de la paysannerie haïtienne avec ses croyances, ses traditions, ses misères, son innocence et sa vitalité. Il s’agit d’un  cadeau impromptu de François, ex-compagnon d’armes du père, à qui Dany rendait visite pour en apprendre un peu sur lui. François pourrait être ministre de l’Agriculture, mais il préfère vivre parmi les paysans illettrés plutôt que chez l’élite corrompue qui compte également des ex-révolutionnaires ayant retourné leur veste. C’est notamment le cas de Gérard que rencontre d’abord Dany, lui aussi un ancien de la bande du père, ex-ministre du Commerce qui a largement tiré profit de sa situation sans trop d’états d’âme, et qui reproche surtout à Haïti son impuissance à entrer dans la modernité, son retard.

François fait aussi comprendre à Dany que son père était un véritable leader politique dont l’engagement s’appuyait sur une connaissance approfondie de l’histoire. Un militant qui n’a jamais trahi son engagement, préférant l’exil, le dépouillement et la solitude au confort et à la corruption. La liberté peut avoir un prix très élevé quand on refuse aussi la dictature du plaisir.  Or pour Dany, qui n’a depuis toujours qu’une photo pour connaître son père, celui-ci était d’abord un dandy, un séducteur.

L’enracinement dans la réalité historique passe aussi par le poète martiniquais Aimé Césaire. Son Cahier d’un retour au pays natal apparaît dès l’exergue, puis ressurgit à différents moments  du voyage. Aimé Césaire : poète et penseur de la négritude, de la décolonisation, de la révolte contre toutes les formes d’avilissement, de la quête du moi et du Nègre fondamental. « Accommodez-vous de moi, je ne m’accommoderai pas de vous (12) », écrit-il. Auteur d’un essai également sur Toussaint Louverture, libérateur d’Haïti, homme politique. Le Cahier de Césaire est l’une des expressions les plus puissantes de la quête poétique et politique de l’être, qui marqua les militants de la décolonisation et de la liberté partout dans le monde : « gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle… (13) »

Pour Dany, narrateur du roman, l’image du poète redouble celle du père, et le paraître recouvre l’être : « Dans mon rêve, Césaire se superpose à mon père. Le même sourire fané et cette façon de se croiser les jambes qui rappellent les dandys d’après-guerre. [...] Un révolutionnaire est d’abord un séducteur (14) ».  Le révolutionnaire en séducteur est en elle-même une image séduisante, mais qui veut dire quoi au juste? Quelle sorte de révolutionnaire, quelle sorte de séducteur? Toutes les révolutions ne se font pas en faveur de l’humanité, de la liberté, de la vie.  Pier Paolo Pasolini écrivait en 1973 :

L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la « tolérance » de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de toute l’histoire humaine. Mais comment une telle répression a-t-elle pu s’exercer ? À travers deux révolutions, qui ont pris place à l’intérieur de l’organisation bourgeoise : la révolution des infrastructures, et la révolution du système d’information(15).

 

Révolution, répression, hédonisme, acculturation, système d’information : Pasolini soulève tous les termes de notre discussion et peut-être la clé de l’interprétation. L’image du révolutionnaire en séducteur conduit à la fascination devant les médias, « la révolution du système d’information » qu’exécrait Pasolini. Dany Laferrière, qui excelle dans les médias, appartient à une génération pour qui la culture de masse tend à déclasser le poids de la pensée et de l’action politique. Deux générations, deux révolutions : celle du père contre la dictature politique, celle du fils contre la dictature du plaisir (politique aussi; la même dictature en fait). Le père est resté droit face au dictateur, et  il a été projeté dans un exil malheureux. Le fils tergiverse avec la dictature du plaisir et il est projeté dans une gloire médiatique qui lui fait croire qu’il redonnera son pays au père. À partir de quand la feinte devient-elle abjuration, pour reprendre le terme de Pasolini? Personne ne prétendra qu’il est simple d’être Dany Laferrière, mais on ne se racontera pas d’histoire.

 

Dans L’énigme du retour, le recueil de Césaire joue le rôle de médiateur entre le fils et le père, mais le narrateur le mettra significativement à l’écart, notamment à son arrivée à Port-au-Prince, parce que la colère de Césaire l’encombre : « J’ai besoin d’un homme serein/ et non d’un bougre en colère. / Je ne veux plus penser. / Simplement voir, entendre et sentir(16) .» C’est que la poésie de Césaire exacerbe la réalité, la rend insoutenable, ne permet aucun accommodement. Elle est le grain de sable dans la mécanique trop bien rodée du discours de l’écrivain exilé. Ouverte sur l’universalisme de l’enracinement, l’obligation du tendre souci pour le monde, celui qui commence sous ses pieds, la poésie de Césaire ne concède rien aux forces du nihilisme, à ce que le poète  appelle « le moi superficiel (17) ». C’est d’ailleurs à petites doses que Dany Laferrière reprend contact avec le pays natal, avant de s’enfoncer dans ses profondeurs pour y trouver son héritage. En s’installant d’abord à l’hôtel de luxe fréquenté par les journalistes internationaux et les responsables des ONG, en regardant Port-au-Prince de haut et de loin. Le regard ─ médiatique ─  facilite une mise à distance de la souffrance et ne tarde pas à la transformer en spectacle. À l’hôtel, le narrateur s’approche d’un caméraman. « J’aime bien les gens dont le métier est de regarder », dit-il (18). Le caméraman lui tient à peu près ce discours : les Haïtiens sont des comédiens nés, ils aiment jouer et rejouer tout sourire leur misère devant nos caméras. Les Américains pourraient tourner un maximum de blockbusters ici. Et, en plus, le décor est si magnifique que rien n’a l’air vrai. Le temps de le dire, le cinéma sortirait Haïti de sa misère. Le narrateur rapporte les propos du caméraman, sans commentaires.

Si les Américains laissent tomber Los Angeles et qu’ils venaient tourner un max de blockbusters ici et que le gouvernement  haïtien était assez malin pour exiger un quota, je dis bien un quota, de comédiens haïtiens sur chaque tournage, eh bien dans moins de vingt ans, on verrait ce pays sortir de la misère, et ce serait de l’argent honnêtement gagné car ce sont de fabuleux comédiens. Et le décor aussi, c’est très coloré, très, très vivant. Je n’aurais jamais cru qu’on puisse crever dans un tel paysage (19).

 

 

La vie, la misère comme spectacle, c’est ce que Aimé Césaire et Windsor Laferrière, aussi dandys furent-ils, refusèrent radicalement. Aujourd’hui, depuis longtemps diraient Debord ou Pasolini, le spectacle du désastre et la dictature du plaisir contaminent l’air que l’on respire, ici, en Haïti, dans tous les pays branchés, industrialisés, désindustrialisés, numérisés. Dany Laferrière affirme dans son roman redécouvrir la révolte contre ce qu’il appelle 

Une chaîne ininterrompue de concessions qui nous a conduits à ce nouveau mode de vie […]. Il m’a fallu plus d’un demi-siècle pour retrouver cette force de caractère que j’avais au début. La force du non. Faut s’entêter. Se tenir debout derrière son refus (20).

 

Il y a un demi-siècle pour Dany, c’était l’enfance... C’est dire que la force du non vient de plus haut que lui. La force du non vient toujours de plus haut que soi, et c’est peut-être la fonction de la littérature de nous la révéler.

Aujourd’hui, alors que le désastre est incommensurable en Haïti, que le recommencement est une incantation internationale, qu’elle ressemble trop à ce que Naomi Klein appelle le capitalisme du désastre, que tout est en place pour le grand spectacle de la misère, cette force du non est une nécessité absolue. Non au moi superficiel, pour parler comme Césaire, oui au moi fondamental. Dany Laferrière montrerait-il la voie par l’autocritique qu’il offre à ses lecteurs, le miroir qu’il leur tend, l’image inversée de sa révolution et de son discours? La littérature se déprendrait alors de son inanité, de la superficialité séduisante que le marché du livre exige d’elle, pour devenir le grain de sable qu’elle pourrait être dans « la machine à penser ordinaire ».

 

 

 

Postscriptum

 

Un jour de février 2013 j’entre au supermarché du coin. À la caisse, j’aperçois sur la une d’un quotidien la photo de Dany Laferrière affichant un air d’une telle gravité qu’il en est comique,  surtout que cet air empreint de sérieux ne colle pas avec le titre : « La littérature est un jouet amusant ». Spontanément  je traduis ce titre loufoque : « La littérature est une bébelle le fun. » C’est plus cru sans être plus grossier, et  le slogan me semble ainsi plus juste. Surtout qu’il sert  à vendre son écrivain en pyjama ou sans pyjama, on ne sait plus à force de le déshabiller, vous voyez le genre, le livre réconfortant avec le chaud Dany sous les couvertures, c’est très vendeur, sans se fatiguer. Laferrière, virtuose des communications, me dis-je en rentrant chez moi par les ruelles blanches et glacées pour préparer mon dîner. Peu de temps après, la « bebelle littéraire » refait surface dans une chronique de  Jean-Pierre Issenhuht écrite en 1986. L’auteur se demande  « Que faut-il pour qu’un livre devienne une présence et une compagnie? Les hochets ludiques, poursuit-il, les hoquets et les rots langagiers, la toux et les éternuements textuels ne peuvent malheureusement remplir ces fonctions…(21) » Non seulement le jouet de Laferrière me revient immédiatement en tête, mais c’est toute la question du livre comme présence, ce que Dany Laferrière cherche à vendre à son lectorat avec son Écrivain en pyjama, familier, amical, intime jusque dans le sommeil. Éros avec ses gros sabots. Que répond Issenhuht à sa propre question ? Rien à voir avec l’écrivain familier, mais plutôt avec des évocations qui franchissent l’ici et l’ailleurs, la durée; les mots et les phrases qui traversent les lieux, le temps, qui rapprochent l’enracinement et l’universel. Dans un autre texte,  Issenhuht demande que la poésie le laisse « divisé (22) ».

 

J’ai emprunté le livre de l’écrivain nu dans son pyjama (un chroniqueur a soulevé la chose en onde) quand il été disponible à la bibliothèque. Ce qu’il agite notamment dans son carnet d’écrivain sénior que j’ai parcouru très rapidement, c’est notamment que la littérature est inutile. Reste à voir ce qu’on entend par cette formule, parce que l’idée de l’inutilité de la littérature peut aussi apparaître comme le hochet qu’on agite sous le nez des médias, qui permet de dire et de faire n’importe quoi en autant que ce soit séduisant. Quelques mois plus tard, le printemps venu, Dany Laferrière s’envolait vers Haïti avec une délégation d’écrivains québécois dans un but humanitaire. C’est curieux comme la littérature peut devenir utile dans certaines circonstances. À quand l’utilité de l’inutilité (23)?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sculpteur à l’œuvre

 

 

 

C’était une belle journée de printemps, le vent était doux. Comme j’étais à pied ce matin-là (je sortais de l’hôpital), j’empruntai le traditionnel raccourci qui traverse le terrain vague du milieu de la côte de la rue Dupont, qui était en plein aménagement paysager. Ce terrain avait appartenu à la richissime famille Vaccaro-Lachapelle, médecins, pharmaciens et propriétaires de la Bellerive Plywood, une manufacture de contreplaqué qui a fait travailler des ouvriers pendant des décennies dans des conditions lamentables et pour des salaires de crève-la-faim. Les Vaccaro-Lachapelle se tenaient aux étages supérieurs de la pyramide sociale de la région, touchant d’énormes bénéfices dans des secteurs vitaux de l’activité économique et sociale : ils s’enrichissaient grâce à l’exploitation des ressources naturelles et d’une main-d’œuvre bon marché, qu’ils soignaient à grands frais après l’avoir rendue malade dans leur shop à bois. Le mélange instruction et sens des affaires est une bonne magouille, hautement morale, en plus. C’est même devenu une compétence transversale dans le système d’éducation québécois, du niveau primaire à l’enseignement supérieur, qu’on appelle « valeur entrepreneuriale », « esprit d’entreprise », etc. Le comble de l’ironie, c’est que cette famille allait acquérir, en cette fin des années 1970 qui sentaient la crise et la dépression sociale, un bénéfice symbolique en faisant don de ce terrain vague à la municipalité. Quelle générosité ! On allait en faire un parc, y installer une œuvre d’art, une sculpture en hommage aux travailleurs de la forêt. Roger Langelier, sculpteur de réputation internationale, peut-on lire dans la documentation touristique de Mondolore, travaillait dans un style proche du réalisme socialiste. Ce matin-là, il donnait un nouveau tour de main à l’Histoire avec sa grande hache, c’est le cas de le dire, en y dressant la sculpture en question : l’hommage aux draveurs et bûcherons de la région. Enfin! le petit peuple blanc de la verte forêt allait voir surgir de la terre une figure significative de sa subjectivité collective, et, ainsi, conquérir sa pleine légitimité dans le cours de l’Histoire. Du coup, la progéniture de ces « défricheurs », comme on les appelle avec pathos dans la littérature et le cinéma édifiants, allait avoir un regard éclairé sur son passé, son identité, pour mieux agir sur le monde, maîtriser sa vie. Il faut dire aussi, détail non négligeable, que le premier référendum sur la souveraineté du Québec s’en venait à grands pas. On était mobilisé en diable! Le message était clair : il fallait être à la hauteur de l’héritage laissé par ces « défricheurs », ces « déménageurs de montagnes », ces « bâtisseurs de pays ». À nous maintenant d’amener le pays à son terme par un « oui » éclatant au référendum, geste politique libérateur. Le terrain des Vaccaro-Lachapelle bénéficiait déjà d’une valeur historique exceptionnelle. Il était situé en surplomb du rapide de l’Orignal sur la rivière du Lièvre, dominait l’ancien poste hydroélectrique de la James MacLaren, faisait face au boisé de l’École normale (« le petit bois des sœurs » qu’on l’appelait), en diagonal avec la cathédrale, détruite en partie par un incendie criminel, reconstruite aussi en partie, c’est-à-dire en sauvant la façade. Le parc allait symboliser  un véritable carrefour où se croiseraient les vestiges des ressources naturelles, les forces économiques et l’inspiration spirituelle à l’œuvre depuis des générations. L’Histoire y était tumultueuse et incessante, comme le débit de la rivière qui s’en allait depuis la nuit des temps déverser ses eaux sales dans la rivière des Outaouais, le Saint-Laurent, la mer. Non, vraiment, on ne pouvait trouver meilleur endroit pour ériger un monument et, ce matin-là, le sculpteur trimait fort sur sa pièce qui fait bien quinze pieds de hauteur, de largeur et de profondeur. En creusant mon souvenir, je revois Roger Langelier, juché sur les épaules du colosse en devenir. Il portait des bottes de travail et des genouillères qui donnaient à sa silhouette d’homme mûr une virilité raffinée. Il apparaissait, ma foi, comme la synthèse de l’ouvrier, de l’intellectuel et de l’artiste. Traits anguleux, peau mate, l’œil sombre derrière des lunettes à fine monture métallique, une tête souriante nimbée d’une fatigue inspirée qu’encadraient une barbe drue et une chevelure bouclée, en bataille : Héphaïstos embelli par les temps modernes. C’est vous dire combien l’homme m’impressionnait, surtout que c’était moi le boiteux ce matin-là. Quand je suis apparu dans son champ de vision, il m’a tout de suite accueilli avec gentillesse et bonhomie, alors que je craignais le déranger dans son travail. Je ne lui étais pas totalement étranger, puisqu’il avait été professeur d’art plastique à la polyvalente à l’époque où j’y étais comme élève. Spontanément, donc, presque amicalement, il m’a adressé la parole. C’est beaucoup plus tard que j’ai saisi  toute la portée de ce qu’il allait me dire. Roger Langelier me confiait ce matin-là rien de moins qu’une mission. Je n’avais pas échappé à la mort en vain, ma vie prenait enfin un sens, bien que mal définie encore. Roger Langelier me disait à peu près ceci : « Tu diras à ton père que je travaille pour lui. » J’avais une bonne raison d’être fier, d’être le porteur d’une telle nouvelle, d’être le messager entre l’artiste et son modèle. C’est rare et enivrant ce genre de situation. J’en sais quelque chose, j’ai fait plus tard des études supérieures, sacrifié des nuits entières à étudier la sémiotique narrative. Enfin!  il se passait quelque chose de concret dans le schéma. Je fis donc la promesse solennelle à Roger de transmettre son message. La mission tombait à pic, car ce matin-là mon ego avait absolument besoin d’un petit remontant. Pendant un instant, ce n’est pas peu dire, j’eus l’impression d’exister dans l’Histoire, d’exister tout court, et mon pauvre paternel, tel le Phœnix, renaissait de ses cendres chaudes. Un horizon était-il en train de se dégager pour moi ? J’exagère, pensez-vous? C’est la seule façon que je connais de dire ce que je sais.  

 

Quelques jours plus tard, je suis allé rendre visite à ce père.  Avant qu’il me demande des explications sur mon accident de voiture, je lui ai transmis, quasiment en tremblant, le précieux message. Sa réaction m’a surpris un peu, à peine : il n’aimait pas la sculpture, et les intentions de Langelier lui passaient deux cents pieds par-dessus la tête. C’était pourtant du solide : un sculpteur de réputation internationale travaillait pour lui ! Shit! Non, il en fallait plus pour impressionner cet homme d’un autre temps.

 

En béton armé, je l’ai déjà dit, la sculpture représente un homme qui se penche pour saisir, à bout de bras et par les extrémités, une bille de bois. L’effort accablant est lisible sur ses traits de granit et la puissance du personnage est soulignée par ses bras démesurément longs, car aucun homme normalement constitué ne peut saisir de la sorte un billot de douze pieds. Trop long, trop lourd. Les proportions du personnage suscitèrent d’ailleurs beaucoup de perplexité dans la population locale, qui n’avait pas une grande expérience de la critique d’art, mais en connaissait un bout sur le travail dans le bois. Mon père, donc, n’aimait pas la « statue », comme il l’appelait. « C’est impossible, qu’il m’a dit, y a pas un homme capab’e de prendre un billot à bout de bras plié en deux de même. » Point final. J’ai eu beau essayé de lui faire comprendre que c’était voulu, que c’était une exagération pour montrer à quel point ce travail avait été dur, qu’il fallait de la force, du courage, de la persévérance, rien à faire. Du reste, détail trivial direz-vous, comme bien d’autres hommes qui travaillaient dans le bois, mon père était robuste, mais de petite taille. Les géants étaient somme toute assez rares. Mais au-delà du manque de réalisme de la sculpture, du caractère magnifié du personnage, quelque chose d’autre dérangeait profondément le vieil homme. C’était la même raison pour laquelle il n’aimait pas la chanson de Félix Leclerc, « La drave ». Il ne comprenait pas… il n’acceptait pas qu’on chante une chanson ou qu’on érige un monument à la gloire de ce qu’il considérait, du plus profond de sa colère rentrée, avoir été un travail humiliant exercé dans la misère et dans des conditions d’existence lamentables. Un travail d’esclave rendu possible par son ignorance et sa situation misérable. La compagnie MacLaren lui avait procuré du travail durant de nombreuses années, sans jamais cesser de lui rappeler sa position sociale. Je me souviens qu’à tous les Noël la compagnie remettait des cadeaux aux employés et aux cadres. Au plus bas de l’échelle, mon père recevait des bricoles sans valeur : un imperméable en plastique, un jeu de tournevis miniatures, des agrès de pêche qui déteignaient dans l’eau. De leur côté, les contremaîtres recevaient une bouteille de scotch, une canne à pêche, une montre en or. Je me souviens aussi de la fois où il était rentré à la maison un jeudi, alors qu’il ne devait rentrer que le vendredi de la semaine suivante. Quelque chose de très grave se passait. Sur le seuil de la porte, il affichait un sourire niais inhabituel et une égratignure importante sur le côté gauche du visage, près de l’œil. Ma mère s’est avancée sur lui, inquiète. À voir le petit rire nerveux de mon père, sa blessure, j’ai tout de suite compris qu’il s’était battu. Un matin, à bout de nerfs, il avait sauté sur le foreman qui voulait lui faire faire une job qu’il jugeait inopportune. On lui a donné  son « bleu » sur le champ. Après trois mois de chômage, il a dû faire des pieds et des mains pour que la compagnie consente, magnanime,  à le réengager comme gardien de « camp’ » à plus de cent kilomètres au nord de chez-lui, vers l’Abitibi, au Red Pine. À soixante ans. On repousse ses limites comme on peut, non ? Et voilà que Roger Langelier remettait ça avec une sculpture pleine de magnificence sur les hommes de chantier.

 

Le point de vue terre-à-terre de mon père sur l’œuvre de Langelier commença par me contrarier, me chagriner. Quelle ingratitude. Quelle brute épaisse de ne pas apprécier sinon l’art, du moins la reconnaissance qu’incarnait la pièce de béton. Comme s’il crachait sur l’hommage que les plus jeunes générations lui rendaient. Surtout que je ne me privais pas moi-même, chaque fois que l’occasion se présentait, de me vanter de sa misère dans les chantiers, de son analphabétisme même, gage d’une culture authentique de l’oralité. À quoi j’ajoutais qu’il était violoneux et conteur. Et puis le grand Félix Leclerc lui-même baragouinait le nom de mon paternel dans sa magnifique chanson « La drave », parmi les hommes de Sylvio Morin, le héros de la chanson, le foreman en fait (23). J’aurais pu avoir mon ticket de première classe dans le grand récit national qui avait besoin de s’ériger, comme tout grand récit, sur des martyrs. Mais non, pas moyen de jouir de cette petite heure de gloire. Il me dégonflait ma balloune le bûcheron, le violoneux, le tapeux de pieds. Quel imbécile j’étais! Son of bitch! pour reprendre son juron. C’est que je ne comprenais pas encore à quoi servaient toutes ces louanges. J’avais un sacré travail à faire, toute la tête à me refaire pour me sortir de là.

 

L’automne suivant, le jour de l’inauguration de la sculpture, tout le monde se retrouva à la brasserie après les beaux discours de la cérémonie officielle. Quand je dis « tout le monde », je veux dire les notables, les organisateurs péquistes, les animateurs culturels et les accidentés de mon espèce. Bizarrement, très peu de vétérans de la forêt. Je parvins sans problème à me frayer un chemin jusqu’à la table de Roger Langelier, qui m’offrit gentiment de m’asseoir près de lui. Je le félicitai pour son beau succès, puis lui rappelai son message à mon père. « Te rappelles-tu, lui dis-je, que tu m’as demandé le printemps dernier de dire à mon père que tu travaillais pour lui, qu’elle était pour lui, ta sculpture ?» Il ne s’en souvenait évidemment pas, mais il avait l’air de trouver que c’était une bonne idée. Je descendis la moitié de mon verre de bière et lui dis, en désignant la salle d’un geste vague, que, contrairement à ce qu’il m’avait affirmé, elle n’était pas vraiment pour mon père, sa sculpture, mais pour tous ces représentants de l’élite qui étaient autour de lui aujourd’hui, qui allaient se péter les bretelles avec l’histoire de la colonisation et le courage de ces braves gens. Ils trouveraient bien les occasions, ces illustres représentants qui ont leurs intérêts chevillés au corps, de l’invoquer un jour pour le Québec, un autre pour le Canada, un jour pour la liberté, un autre pour la productivité, la dette à rembourser, les conditions gagnantes, etc. Quels beaux chantiers en perspective, beaucoup de sculptures en vue. Bonne nouvelle, l’art public édifiant a non seulement un passé, mais un bel avenir. La bière aidant, je lui dis ce que mon père pensait de sa sculpture, lui parlai un peu de sa vie dans les chantiers qui, à ses yeux, n’avait rien de pittoresque et encore moins de glorieux. Je ne me rappelle plus de la réaction de Roger, mon Héphaïstos. Mon histoire devait lui glisser sur l’indifférence comme l’eau sur le dos d’un canard. Cela me faisait une belle jambe : tout était redevenu chimérique, je n’avais toujours pas d’avenir radieux. Ce n’était pas la première fois que je descendais mes propres idoles en flammes, perdais mes illusions. J’étais encore loin de soupçonner  qu’on pouvait, à force de travail, d’écriture, être à l’origine de soi-même ou, encore, devenir son propre père. Une autre belle illusion.

 

Plus tard, bien plus tard, je lirais L’invention de la solitude de Paul Auster, Kierkegaard, Sartre, obligatoirement, pape du néant, du poisseux et de l’arrachement – n’empêche qu’il n’avait pas tout faux.  C’est une idée fondatrice de la modernité, qui n’a pas seulement séduit (produit) d’innombrables écrivains (s’écrire, s’inventer), mais aussi le héros de l’idéologie productiviste lui-même, le self-made-man, comme le rappelle Günther Anders dans L’obsolescence de l’homme :

 

Le « moi s’auto-posant » de Fichte est la transcription spéculative du self-made-man, c’est-à-dire de l’homme qui ne veut pas être devenu, qui ne veut pas être né, mais souhaite ne se devoir lui-même qu’à lui-même comme son propre produit. Ce discrédit de l’ « être-né » vient de la révolte contre la « haute naissance » comme source de privilège et contre la naissance roturière, impliquant à l’inverse une totale absence de droits  (24).

 

 

C’est mon paternel qui aurait trouvé  l’idée intéressante… Des droits, lui?! Anders de son côté souligne la portée politique de « se faire soi-même » et rappelle que les idéalistes, Fichte par exemple, tendent à supprimer.  L’individu n’est pas une entité autonome, souveraine, dit-il. Il  reçoit ses déterminations autant de ses antécédents familiaux que de ses contemporains, qui sont eux-mêmes des entités hétéronomes et hétérogènes. Bref l’humain, s’il a une petite marge de liberté, c’est dans cet espace même, dans cette intervalle : se faire soi-même avec et parmi les autres. Dans l’histoire récente, il semble qu’on ait tendance soit à idéaliser le passé et à en tirer des marqueurs identitaires factices pour transcender son existence, soit à lui substituer le culte du nouveau. Tel le dernier gadget numérique, l’individu nouveau, androgyne et nickel, est dépouillé de son sexe et, surtout, de la souillure du temps. C’est ce qui amène Anders à parler de l’obsolescence de l’homme au regard des machines qu’il produit, puis du complexe de ce dernier face à ses propres machines, beaucoup plus performantes que lui. L’homme rêve aujourd’hui d’être le produit de ses machines, dit-il.  Mais c’est une autre histoire. Enfin, oui et non. Dans la mécanique sociale, mon père était devenu une machine obsolète et, avec lui, tout son code linguistique. Dans la société technicienne qui est la nôtre, c’est ainsi que disparaissent des pans entiers de culture. Quoi de plus embarrassant en effet que la culture souillée de temps. L’homme ou la femme « instant » sont beaucoup plus cool, plus efficace en fait, ce qui n’empêche pas d’y accrocher un petit marqueur identitaire  selon les heures du jour ou de la nuit.

 

Être à l’origine de soi ou ne pas être. À la lumière de cette honte d’«être-né», je peux comprendre le vœu de Carlos Liscano de devenir l’enfant de ses parents. Et la singularité de ce vœu montre qu’il  n’est pas donné à tout le monde d’être l’enfant de ses parents, qu’il y a eu des ruptures terribles dans l’histoire récentes du monde. Et devenir l’enfant de ses parents ne dispense pas non plus de tout reprendre de zéro. Il est même probable que c’est en reprenant tout depuis le début, qu’on découvre qu’être l’enfant de ses parents, c’est la première condition pour plonger dans le vide de sa vie et commencer à la vivre, plutôt que de vivre la vie des autres. Il faut pour ça, comme le dit Réjean Ducharme, aimer les combats perdus d’avance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Joël Desrosiers, « La faille au jardin de plantains », Le Devoir, 25 janvier 2010.

 

[2] Dany Laferrière, Je suis fatigué, Montréal, Lanctôt éditeur, 2001, p. 54.

[3] Dany Laferrière, L’énigme du retour, Montréal, Boréal, 2009, p. 140.

[4] Ibid., p. 24.

[5] Jean-Pierre Issenhuht, « Grains de sable et machines » dans  Le Petit banc de bois (lectures libres 1985-1999), Montréal, Trait d’union, p. 90.

[6] L’énigme du  retour, op.cit., p. 24.

[7] Ibid., p. 34.

[8] Ibid., p. 247.

[9] Ibid., p. 156.

[10] Id., Chronique de la dérive douce, Montréal, Boréal, 1994, p. 44.

[11] L’Énigme du retour, op. cit., p. 269.

[12] Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, 1983, p. 33.

[13] Ibid., p. 22.

[14] L’énigme du  retour, op. cit.  p. 33-34.

[15] Pier Paolo Pasolini, « Acculturation et acculturation », Écrits corsaires, Paris, Flammarion, Champs Contre-Champs, 1987, p. 49.

 

[16] L’énigme du retour, op.cit., p. 80.

[17] Patrice Louis, Conversation avec Aimé Césaire, Paris, Arléa, 2004, p. 59.

[18] L’énigme du retour, op. cit., p. 130.

[19] Ibid., p. 132.

[20] Ibid., p. 56.

[21] Jean-Pierre Issenhuth, « Il est digne », op. cit, p. 73.

[22] Ibid., « Nelligan s’en va », p. 137.

[23] Quelque temps après avoir rédigé ce texte, j’ai découvert que le grand sinologue Simon Leys avait bien exploré cette faculté supérieure de l’esprit, essentielle en fait à tout savoir authentique, a fortiori à toute littérature : l’utilité de l’inutilité. À lire dans un recueil de textes magnifiques, Le studio de l’inutilité. On y trouve notamment des essais sur Henri Michaux, George Orwell, Simone Weil. En exergue, cet aphorisme de Zhuang Zi: «  Les gens comprennent tous l'utilité de ce qui est utile, mais ils ignorent l'utilité de l'inutile. »

 

[24] Un peu moins de vingt ans plus tard, en 1975, après avoir chanté les louanges des pittoresques draveurs pour le compte de l’Office nationale du film (1957), du travail et de la vie dans les chantiers de la MacLaren,  Félix Leclerc, chantre du pays, a livré une vibrante complainte contre la modernité qui était en train de détruire l’Île d’Orléan, son île, symbole du Québec, de la culture canadienne-française. Les mêmes forces destructrices étaient pourtant à l’œuvre dans la forêt à la fin des années 50. C’est fou comme les points de vue peuvent changer, et en peu de temps, quand on est personnellement concerné par un problème.

[25] Günther Anders, L’obsolescence de l’homme. Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle (1956), traduit de l’allemand par Christophe David, Paris, Éditions de l’encyclopédie des nuisances, Éditions Ivrea, p. 3